Cela fait désormais vingt ans que des équipes ont découvert un squelette dans son intégralité au large de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Une série d’articles publiés dans les prochains mois vous permettra de (re)découvrir l’histoire de cet inconnu.
Le 1er août 1785, La Boussole et l’Astrolabe, deux frégates commandées respectivement par Jean-François Galaup de Lapérouse et Paul-Antoine Fleuriot de Langle, quittent la rade de Brest pour un voyage de circumnavigation sans retour. A leur bord : 110 hommes chacune dont les savants les plus renommés. Leurs dernières nouvelles, parvenues à Versailles, datent du 26 janvier 1788. L’expédition était alors en rade de Botany Bay, l’actuelle Sidney. On apprit bien plus tard, sous la Restauration, que les deux navires s’étaient échoués à Vanikoro, en plein Pacifique Sud.
L’association Salomon sous l’impulsion d’Alain Conan, aidée de la Marine Nationale s’est fixé un objectif démesuré : retrouver la trace des membres de l’équipage (marins et savants).
En 2003, un squelette entier est découvert lors des fouilles sur La Boussole. L’homme avait probablement été plaqué au sol dans sa cabine par une structure d’architecture au moment du naufrage ; le corail l’avait ensuite enveloppé et protégé des divers prédateurs. Il fallut attaquer la couche de deux mètres de corail à coups de piolet pour libérer le corps !
Depuis cette date, scientifiques et généalogistes s’efforcent de l’identifier.
A Nouméa, lors d’une cérémonie en décembre 2003, la Marine Nationale rendit « les honneurs militaires à un de ses hommes, mort à Vanikoro il y a plus de deux cents ans, et qui symbolise tous les marins disparus ».
Les investigations menées sur le squelette
Les ossements expertisés par l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) livrent peu à peu leurs secrets :
- Il s’agit d’un homme de type caucasien âgé de 30 à 35 ans avec une incertitude de 5 à 6 années qui mesure environ 1,68 mètre avec une incertitude de 4 centimètres.
- Sa dentition bien entretenue, ce qui est inhabituel pour l’époque, révèle une parfaite hygiène dentaire. Cela exclut la possibilité qu’il s’agisse d’un marin. Les dents sont abrasées comme par un effet de mastication et il est légèrement prognathe.
- Le péroné droit présente une fracture diaphysaire nette, transversale, sans que l’on puisse déterminer si cette fracture est ou non post-mortem. On constate une inégalité des membres inférieurs de deux centimètres sans luxation congénitale de la hanche, la marche pouvant être normale.
- Il a été victime dans l’enfance ou l’adolescence d’une fracture de l’humérus gauche et de la clavicule droite.
- Il doit être gaucher.
- Il possède une musculature peu à moyennement développée, ce qui semble exclure encore les marins astreints de longues années aux manœuvres.
- D’autre part, il a été découvert dans le gaillard arrière de la Boussole où résidaient les officiers et les savants.
Des objets retrouvés près du corps
La découverte du squelette s’accompagne de plusieurs objets identifiés :
- cinq boutons d’habit en laiton dont l’un porte, gravées, une couronne et les initiales RV, quatre autres en laiton sans marque distinctive, trois boucles de soulier en argent,
- un pistolet aux initiales GJC ou GH, d’autres objets aux initiales RV, une canule.
- des objets ayant vraisemblablement appartenus à l’abbé Mongez, minéralogiste et aumônier de l’expédition : une boîte en bois qui avait contenu un missel, un crucifix, un nombre très important de pièces de vaisselle aux armes ecclésiastiques (chapeau, cordon à douze houppes, six de chaque côté, posées sur trois rangs, et sur l’écu un cœur percé d’une flèche, indiquant une appartenance aux génovéfains*, ordre religieux auquel appartenait Jean André Mongez), une pierre d’autel, une petite boite aux huiles saintes frappée des armes du roi de France.
- des instruments d’astronomie ayant sans doute appartenu à Joseph Lepaute Dagelet : une lunette astronomique, un quart de cercle et d’autres instruments d’observation.
*Chanoines de l’ordre régulier de l’Ordre de Sainte-Geneviève
Deux portraits robots réalisés à partir du crâne du squelette
L’un d’eux est exécuté par le docteur Jean-Noël Vignal, anthropologue médico-légal de l’IRCGN qui a développé une méthode de reconstitution faciale assistée par ordinateur. L’autre par la sculptrice Elisabeth Daynes qui s’appuie sur les travaux du premier.
Une question demeure. Restera-t-il « l’inconnu de Vanikoro » ?
A suivre ….
Anne Marie Guillot, Professeur à l’Université de Bordeaux
Membre du CA de l’ALAF