Un canon… et des questions !

En février 2023, Jim Brennan rencontrait l’ALAF et plus particulièrement son président, Jean-Marie Pestel. Laissons-le nous raconter son histoire…

De la gauche vers la droite : Jean-Marie Pestel, Mme Brennan, Jim Brennan – © Jean-Marie Pestel

« Je suis né en Alaska et tout commence avec mon père. Jeune, je naviguais avec lui en Alaska. Alors que je n’avais que 7 ans, des Tlingits (K.L.I.N.K.E.T – peuple autochtone) lui proposent de lui vendre un canon dont ils ne connaissent pas la provenance à Lituya Bay (aussi appelé « port des français »). Si je ne connais pas le prix qui est convenu, je sais que le canon est arrivé bien plus tard en sa possession, dans l’attente des autorisations nécessaires du clan.

Le temps a passé et j’ai continué de naviguer, tout en devenant avocat et membre du club de voiles de Seattle. »

Que s’est-t-il passé pour Lapérouse et ses hommes ?

L’Astrolabe et la Boussole au mouillage probablement en Alaska en 1786. Dessin réalisé lors de l’expédition Lapérouse – Domaine public

Comme vous le savez, Lapérouse fait relâche à Lituya Bay en juillet 1786. C’est un lieu où vivent et transitent différents clans, dont les Raven (Corbeaux) et les Eagles (Aigles). Au cours de l’histoire, Russes, Anglais et Espagnols y passent pour commercer des peaux de bêtes et autres éléments. Lors de son passage, on sait d’ailleurs que Lapérouse entretien des relations cordiales avec des autochtones.

Avant de quitter son mouillage, Lapérouse délègue deux de ses bateaux pour « vérifier » la passe/ C’est malheureusement lors de ce test que les deux embarcations sombrent, entraînant la mort de 21 marins. C’est une baie toujours très dangereuse : un passage étroit, des courants violents, des glaciers imposants et en aplomb, sans oublier une eau extrêmement froide. Ce fut ainsi le premier drame de l’expédition.

Les corps ou les restes de ceux qui ne restèrent dans les profondeurs furent enterrés sur l’île du Cénotaphe, située dans la baie. Un cénotaphe (tombe vide de tout corps) en leur honneur est construit et on y lit les noms des disparus.

Et pour le canon ?

Premièrement, des mentions sont écrites en français et on y lit « Fait par Dupont à Rochefort 1762 ».

Jim Brennan devant le canon – © Jean-Marie Pestel

Deuxièmement, il semble correspondre au type d’armement qui aurait pu être utilisé par les expéditions de Lapérouse, dont l’équipage aurait pu avoir besoin.

Troisièmement, à cette époque, il est difficile de déterminer quel autre navire français aurait pu être présent. Lapérouse n’a mouillé qu’à un seul endroit en Alaska : à Lituya Bay.

Les éléments apportés, bien qu’aucune vérification scientifique ne fut réalisée, laissent donc la chance à cette hypothèse.

Alors, quelles autres hypothèses selon M. Brennan ?

Il faut envisager la possibilité d’un « vol » par les locaux, un échange pour entretenir de bonnes relations avec les autochtones ou encore qu’il ait été apporté après le passage de l’expédition, soit par une autre expédition française ultérieur, soit par un navire étranger qui aurait « acquis » le canon.

Quelles sont les suites concernant ce canon ?

Jim rencontre différents experts pour étayer l’hypothèse visant à raccrocher le canon à l’expédition de Lapérouse. Il s’est ainsi rendu à Paris, à Rochefort mais également à Brest, lieu de départ du voyage, où il a d’ailleurs rencontré Jacques Bodin, adhérent historique de l’association.

Il est aujourd’hui toujours difficile de retrouver des traces des navires des suites du tsunami de 1958, ayant nécessairement endommagé le lieu. Selon Jim Brennan, qui s’y est rendu à plusieurs reprises, « le tsunami a rendu la passe encore plus dangereuse et profonde ». Il y retournera dans quelques temps afin de poursuivre son enquête.

Il est important de préciser que cette démarche n’a aucun esprit mercantile et que Jim Brennan mène une enquête à visée historique : « j’ai voulu connaître l’histoire de ce canon en mettant mon oreille sur le canon, comme d’autres le font avec un coquillage : « quelle est ton histoire, je veux la connaître ». Il ne m’a pas répondu… ».

L’ALAF remercie infiniment M. Brennan pour cet échange passionnant. Elle est honorée et fière de le compter parmi ses adhérents. Le texte présenté fut approuvé par ses soins.

Jim Brennan au Musée Lapérouse d’Albi – © Jean-Marie Pestel

Pour en savoir plus :

Le voyage de Lapérouse, rédigé d’après ses manuscrits originaux, suivi d’un appendice renfermant ce que l’on a découvert depuis le naufrage jusqu’à nos jours et enrichi de notes par M. DE LESSEPS, Consul général de France à Lisbonne, et seul débris vivant de l’expédition donc il était interprète ; accompagné d’une carte générale du voyage, orné du portrait et d’un fac-similé de Lapérouse (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9614376z/f13.item.texteImage / vente auprès de l’ALAF)

Mega Tsunami : Vague de 523 Metres !, par National Geographic (https://www.youtube.com/results?search_query=video+lituya+bay)

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