Message de Florian Chavagnac 

J’ai le plaisir de vous écrire des Samoa américaines, sur l’île principale de Tutuila (Manoua pour La Pérouse) où je suis actuellement en escale pour quelques jours, et vous relater en quelques lignes ma visite de la baie du massacre.

En expliquant la tragédie qui eut lieu sur cette plage, j’ai convaincu quelques collègues de mon équipage de se joindre à moi pour se rendre sur le monument érigé en mémoire de nos 11 compatriotes morts en ces lieux pour la science et la patrie. 

La veille de l’expédition, Nous nous étions renseignés auprès des autorités locales qui ne connaissait pas bien le monument. Nous avons tout de même réussi à glaner quelques informations. 

Le jour J nous nous sommes alors dirigés vers le village d’A’asu dans les hauteurs du milieu de l’île. Nous avions compris que ce village d’A’asu était le nouveau village situé dans les hauteurs. L’ancien village, portant le même nom était auparavant situé sur le littoral, en bas de la vallée, bordant la plage de la baie du massacre.

Sur place nous trouvâmes facilement une âme charitable pour nous indiquer le début du sentier. Sur place, le propriétaire du terrain nous indiquât aimablement le chemin et nous autorisa à emprunter le sentier, désormais privé, sans aucun encombre.

Commença alors une marche de deux heures, enjambant tronc effondré et mare de boues sous une pluie battante. Nous arrivâmes alors sur cette fameuse plage où il y a presque 235 ans, le choc des cultures emportait dans la confusion, je l’imagine la plus totale, 11 de nos ancêtres. 

Cette plage de sable fin, bordée de chaque côté par des roches basaltiques enchevêtrées, est traversé par l’embouchure d’un ruisseau d’eau claire. Ce même ruisseau qui attira le commandant de Langle pour une ultime aiguade, qui lui fut malheureusement fatale. 

Nous cherchâmes alors quelques minutes le fameux monument dans l’arrière plage luxuriante de verdure dans ces forêts tropicales humides. Nous ne mîmes pas longtemps à tomber sur la croix qui le surplombe, tout à côté d’une cabane de pêcheurs, ces derniers étant absents à notre arrivé. 

Nous nettoyâmes alors les lieux de toute la végétation rampante qui ne demande qu’à reprendre ses droits. Nous avons fait place nette. Nous avions emmené une tape de bouche de notre bateau que nous avons scellé derrière le monument, à côté de celle du Prairial, frégate de surveillance de la Marine qui avait rénové le monument en 2004. 

Ainsi, nous tenions en tant que marin de la Marine Nationale à rendre hommage à nos anciens tombés au nom des couleurs de la France. 

Nous nous sommes recueillis quelques instants. Chacun en silence. 

Les pêcheurs, propriétaires de la cabane jouxtant le monument, sont alors revenu de leurs pêches nous ont alors salué. Ce qui nous as permis de leur demander de nous prendre tous ensemble en photo devant le monument. 

Ceci fait, j’étala proprement une feuille de papier avec le logo de l’association que j’avais préparé et immortalisa l’instant. Je vous joins 2 photos à ce mail. 

Nous avons ensuite discuté quelques instants avec les pêcheurs locaux. Aujourd’hui nous parlons une langue commune, nous nous comprenons, nous avons un système de valeur commun, les joies de la mondialisation…. Je pense au fossé culturel qui devait séparer les marins de l’astrolabe et de la boussole des indigènes samoans. Impossible de se comprendre pour eux. 

Nous échangeons quelques cadeaux avec les pêcheurs Samoan qui nous montre le fruit de leur pêche. L’un d’eux nous montre alors un raccourci pour repartir d’où nous venions. 

Un dernier coup d’œil à la stèle et il est déjà temps de repartir et de quitter nos nouveaux amis. 

Nous remontons au nouveau village par là ou nous sommes venus, mis à part le raccourci montre par le pêcheur. Nous parlons de l’aventure de Lapérouse évidement. Je raconte à mes camarades ce que j’en sais. Beaucoup de marins actuels connaissent le nom de Lapérouse, ne serait-ce que parce qu’un bateau de la Marine porte son nom, mais peu connaisse l’histoire incroyable de ses aventures dans le pacifique. 

Nous avons cependant été frappé par la vision samoane de ce massacre. Nous avons entendu de plusieurs personnes croisées que le massacre était aussi partagé. Une cinquantaine de Samoan sont décédés ce jour-là et aucune plaque ne les honore. Apres tout peut-on vraiment tenir responsable de leurs actes ces insulaires qui ont été aussi victime, selon moi, d’un improbable choc des cultures. Deux mondes qui s’entrechoquent brutalement, frontalement et qui ne se comprennent pas parce qu’il ne partage pas le même système de valeur. 

Je ne m’étais avant aujourd’hui jamais posé la question de cette façon et c’est vrai que la vision de certains samoans sur le sujet n’est pas dénuée de sens. 

J’ai été long je m’en excuse mais cette expédition m’a enthousiasmé et j’espère revenir un jour sur les traces de votre aïeul dans cette baie magnifique au destin tragique. 

Florian Chavagnac _ 6 novembre 2022

Retour en haut